Le souffle dans les feuilles
Le souffle dans les feuilles
Quand il apparaissait à l’entrée de la salle d’attente pour convier un patient, dans l’embrasure de la porte de quelque foyer perdu par les routes de campagne, ou au portail du jardin pour ouvrir, au coin de la maison, à la voiture de ses enfants et petits enfants, le docteur tenait la tête légèrement inclinée, inscrivant dans les mémoires l’image d’une verticalité complexe, d’une écoute particulière. Il arborait un sourire de partage, d’invite, de moquerie aussi ; une moquerie qui le rapprochait des êtres, n’intimidait pas, s’exerçait avec l’humilité que chacun d’entre nous sait lire sur les lèvres. Il était là, disponible, perché, en attente des déplacements de l’autre, des paroles, en équilibre précaire, presque drôle.
Peut-être un jour avait-il accompagné ainsi le diable. L’éloquence de ses mains cassées le précédait.
L’aménité d’un autre siècle filtrait des gestes de l’homme, en infléchissait l’attitude, le donnait à imaginer au seuil d’un épisode féodal, chapeau bas, prêt à lancer une ronde de main de maître, à proférer une curieuse chanson ; elle larguait les poncifs, éveillait, soulageait, expliquait, riait, quittait.
Le dimanche, il revenait d’un grand tour en vélo. Je le vois sur une jambe, penchant les roues près du sol pour s’en dégager, marchant quelques mètres de connivence avec l’ossature oblique, s’y appuyant comme au sortir d’une beuverie. De noir vêtu, survêtement collant, bonnet, il était à la fois démon de la modernité sorti des années 20, et scaphandrier des aventures de Tintin. L’eau de la Sarthe gouttait sur ses lunettes étanches, l’eau sourde sous l’herbe des champs, l’eau giclant aux peupliers inflexibles s’éloignait au creux des vallées douces, l’eau de la Vègre, plate comme le trépas d’un guerrier encore couvert de bronze. Au bout du parc, le docteur surgissait des pages ouvertes d’un illustré en noir et blanc, Pied-nickelé parcourant les péripéties des routes de France, portant sur lui le désordre, le pêle-mêle obtenus par un tracé hâtif, la vitesse et la contradiction du vent.
Il se consacrait presque exclusivement à la médecine, pratiquait, étudiait, accompagnait, ne considérait plus son sort depuis une époque ou à la suite d’événements que certains de ses proches tentaient parfois d’arrêter. Mais aucun indice parsemant sa conversation ne permettait de dresser la rive qu’il avait sans doute quittée un jour, abandonnant toute idée de retour sur lui-même, renonçant à envisager la fatigue. Il se jetait avec des yeux vifs, mobiles, dans de longues phrases qui l’amusaient, façonnées d’éléments hétéroclites empruntés au répertoire gréco-latin, puis avec de brusques détours, aux ornements ostentatoires, austères, d’écrits juridiques, scientifiques ou philosophiques, signes d’une bienheureuse traversée des humanités de sa jeunesse, artifices un peu déplacés, truqués, de la position de notable où il avait été propulsé ; il ne se lassait pas de les resservir, différemment composés, improvisés, à ceux qu’il accueillait, avec ce sourire qui s’éternise au long des livres de Marcel Aymé. L’usage de ces locutions disait le peu d’importance qu’il leur accordait : leurs circonvolutions alambiquées, inquiétantes, incitaient l’assemblée à changer de pièce pour se mettre à table, complimentaient, tandis qu’elle haussait un sourcil réprobateur, la maîtresse de maison, femme charmante, pour une de ses inventions, ou un convive de sa tenue, sa mine, sa politesse ou sa progéniture. L’invraisemblable profusion verbale se précipitait, se bousculait pour rien, pour que chacun se trouve brusquement au sein d’un espace délivré de croyance, sur la scène vide de nos républiques consacrées par la science et les arts, éprouve cette joie cruelle qui n’épargne personne mais nous réunit pourtant.
Cette joie, justement, pouvait isoler l’instigateur de ceux qu’il aimait et ne quitterait pas jusqu’à sa mort, parce que l’on trouverait réconfortant de prendre sa puissante et provocante spirale pour la charpente d’une tour.
Lors d’une discussion avec Agnès, le docteur G. répondait avec sincérité ce qu’il pensait, ce qu’il connaissait, n’entravant jamais le dialogue de considérations religieuses, morales, ni de silences partiels. Il ne jouait aucun rôle. Cependant, très vite, l’objet de l’échange perdait pour lui l’attrait qu’il revêtait encore pour elle ; il déplaçait son attention – sa parole suivait aussitôt la direction de sa pensée – vers sa fille, s’attachait à exprimer quelles forces vives l’avaient amenée, de son avis, mêlées à l’éveil des découvertes et au simple chemin qu’elle parcourait, à s’interroger ainsi. Il nous révélait son regard, lequel ne s’attardait plus qu’aux grands mouvements des êtres sur la courbe de leur évolution et les uns par rapport aux autres, à l’élan intime de leur passage dans le lit des époques et des faits, au déploiement, au repliement de leur curiosité, feuilles de l’arbre, par ce jeu qui veut garder intacte notre foi en l’humain.
Novembre 2001.
Charlotte Delbo (souvenirs personnels)
Charlotte Delbo
Chaque vrai livre redéfinit
comme aucun autre les liens
qui l’unissent à la vie de son auteur.
Le premier texte que j’ai lu de Charlotte était « La sentence ». Elle m’avait dédicacé le mince volume lors d’un dîner à la maison. La couverture figurait un nœud coulant, une large boucle puis la tombée de la corde, un nœud qui attend une tête, rouge et noir sur fond blanc. « La sentence ». au dos, on précisait que la pièce répondait au procès de Burgos, à côté d’une photo de Charlotte. Chemise en toile ouverte à la naissance du cou, un cou tendu, un visage découpé, étiré par une chevelure noire, libre, exprimant tout entier une parole à venir, formée en même temps que l’inspiration qu’elle soulève dans la poitrine, et, en noir et blanc, des yeux noirs où quelque chose s’était solidifié, quelque chose comme un effroi, nous tenant éloignés d’eux et les séparant de la perception immédiate que l’on a du visage.
Charlotte m’avait demandé de réfléchir à une musique pour une représentation de la pièce. Je lisais ainsi en suivant la toile que tissent les répliques des personnages, qui frémit, s’agrandit autour d’eux à leur insu, se tend de l’un à l’autre. Les yeux verts de Charlotte étaient là, matin glacé sur les eaux d’un fleuve ; mères, sœurs, amantes – un seul personnage peut-être, multiple – tentaient d’apprivoiser le temps de l’attente rendue palpable, incorporée aux phrases, écran où se plaquaient les silhouettes, résonnaient les mots, où s’évide, s’articule la pièce. C’était déjà l’absence des hommes retirés au monde, assassinés, celle de leurs mains, leur corps, de leur mort aussi, au creux de vies acheminées, perpétuées, desséchées, ossifiées. Des mots gravés, et par ces mots le silence d’années.
Un beau jour, quelques années après son retour des camps, elle avait acheté une gare désaffectée.
Des nuits et des jours de vibrations, de stations sur des voies perdues. En janvier, le froid s’accroît à mesure que s’allonge le voyage. Des projecteurs, des ordres criés en allemand, des uniformes, des chiens. Une gare. Les colonnes aveuglées.
Elle avait trouvé cette petite gare, en avait fait une maison de campagne. Avant les repas on commençait à converser dans la salle d’attente autour d’un verre de Listel gris, Charlotte tirait sur sa cigarette, répartissait les braises qui lui donnaient chaud. Elle cuisinait au feu de bois. Au milieu de la cuisine, le plateau de marbre d’une table en fer forgé peint en vert accueillait les paniers au retour du marché. Les plafonds tapissés de boiseries s’arrondissaient dans les chambres. Le rez-de-chaussée ouvrait ses portes-fenêtres, d’un côté, sur l’herbe et les graviers du quai – la voie en contrebas, que Charlotte avait planté d’arbustes, de fleurs, s’enfonçait bientôt dans d’épais feuillages ; les anciens W-C « hommes-dames » abritaient les branches mortes ramassées pour la cheminée, sur la façade de la salle d’attente, la lampe extérieure réglementaire éclairait encore l’écriteau en émail bleu et blanc : Breteau. De l’autre côté on apercevait au bout de l’aire d’immenses tilleuls déployés en deux rangées parallèles, pareilles à celles qui reliaient l’arrière de la maison au couvert du bois où pénétrait le sentier de l’étang de Blaineau. On ne peut parler de Charlotte sans citer les noms des lieux et des personnes.
Elle revenait de Kalavrita, en Grèce, me racontait au téléphone une cérémonie annuelle de commémoration du ? décembre 43, à laquelle elle avait assisté. Le cortège avait gravi les marches jusqu’au sommet de la colline, puis une jeune fille, s’en détachant, énonce les mille trois cents noms des mille trois cents hommes exécutés par la Gestapo. Les fils avaient été capturés avec les pères ; les noms de famille répétés trois, quatre fois de suite, accompagnés d’un prénom différent, s’égrenaient dans le silence de l’auditoire, frappant Charlotte, tels les phrases arrêtées d’un poème. Moi, je repensais au début de l’Iliade.
Puis j’ai lu sa trilogie « Auschwitz et après ». Aucun de nous ne reviendra et Une connaissance inutile d’abord ;
Là, ce n’est pas le récit linéaire qui s’est imposé à Charlotte pour témoigner, car pour elle, témoigner c’était dire ce qui hantait sa mémoire. Un récit reconstruit, organisé par un déroulement fluide ne pouvait traduire des sentiments, des sensations – ou leur perte –, inséparables en elle d’un temps qu’ils avaient immobilisé. Le déroulement continu de phrases enchaînées aux événements survenus, dire une vérité imprimée par segments. Les hésitantes avancées sont jetées sur la page comme des tentatives d’approcher une réalité sensible, d’en nettoyer les empreintes, et rythment le cheminement de sa prose, de poèmes isolés, coupants et nus. Jamais ses courts récits ne prétendent décrire, dépeindre ; ils nomment… restituent en autant de séquences des visages, des paroles, le partage, l’enfermement dans la soif, le froid, l’attente, se heurtent aux limites des mots, nous apprennent le sens différent que ceux-ci revêtaient là-bas. Dans une langue qui se ravine, se sculpte avec les doutes qu’elle charrie, bat le temps de cet ailleurs à la cadence d’êtres qui s’épuisent et s’acharnent ; Charlotte a risqué cette beauté en érosion pour que nous écoutions ce que nous ne pouvons croire.
Rarement envisagés dans leur parcours intégral, mais au seul moment où elles ont tendu une phrasa, ou leur bras pour que l’autre se repose, ne s’écroule pas encore dans la neige ni ne s’accuse d’absorber l’énergie offerte afin que se raidissent les liens, c’est ainsi qu’elles resteront en nous, ces femmes qui traversent les livres de Charlotte.
Mesure de nos jours… Devant nous ses personnages. Ses rescapés revenus au monde quotidien. Ils portent des souffrances ensevelies intactes, leurs camarades perdus, tandis que se fige leur vie que rien ne semble distinguer de la nôtre. L’une évoque un présent insaisissable, où n’évolue qu’un double d’elle-même ; l’autre se raconte aujourd’hui et se revoit petite fille, du jour où ses parents l’ont confiée à une paysanne du Poitou avant de disparaître : par le ton, par ses phrases nous parvient une douceur inaltérée. Comme Mado, Ida n’existe plus que par la force de sa parole… elle est entrée dans l’illusion, naît à ce livre où la vérité s’affronte désormais au réel.
Je me rappelle le propos d’Antonin Artaud : « La peste établie dans une cité (…) c’est alors que le théâtre s’installe ». Il ne me quittait plus en lisant « Kalavrita des mille Antigone ». Après la tuerie, s’étalait un temps autre dont plus rien ne meurtrirait l’enveloppe. Les gestes enchaînés des femmes qui ensevelissent, enfouissaient aussi sous leur douceur les images qui seules nous eussent donné à voir, devenaient rythme.
Il y a la lumière particulière des marais d’Auschwitz dans Spectres mes compagnons, pur éclairage où viennent se succéder les figures de l’imaginaire que l’auteur partage avec nous ; les voix de la pièce Qui rapportera ces paroles s’entrechoquent, recueillies parmi la foule rassemblée, défaite.
Sur le silence de la nappe, ces pages de La mémoire et les jours, achevées depuis peu. Nous lisions. Les couleurs de l’appartement jouaient contre la soie grise des rideaux à demi tirés : dehors c’était encore, suspendue sans fin à cet entre-deux heures, la lumière indifférente du jour restant. Bientôt les taches électriques de la rue commenceraient à se déplacer sur le velours de la nuit déposée, le soir tombé que Charlotte attendait chaque fois comme une délivrance.
L’envol
L’envol
Je ne sais plus ton nom, tu venais d’un village,
un village d’Alsace,
tu parlais calmement de ton devenir,
tu avais voulu être instituteur,
observas les enfants qui passent,
te rappelas tes camarades d’école ;
tu sentis que leur cruauté te blesserait
aujourd’hui encore.
Entre ton rêve de leur distribuer des éléments taillés franc pour apprendre,
d’éclairer des parcours où engouffrer l’élan de leur pensée
afin qu’elle se fluidifie,
se dissipe à la lueur même des choses,
et rebondisse, brille au choc des connaissances,
ton rêve de leur dessiner ce monde qui se dérobe au jour-le-jour,
au sein duquel nous désirons exister,
de les accueillir au commencement de ce qui serait leur planète au terme de l’enfance,
entre ton rêve et l’exercice de la réalité
il y avait eux.
Tu changeas de projet.
Je me rappelle,
c’est toi qui m’appris à respirer avec les musiciens pour qu’ils attaquent ensemble ;
tu avais dirigé quelquefois l’Harmonie.
Dès lors,
au large de ton village
abandonné aux rouleaux bleus,
tu embarquerais pour l’Avenir
sur le bâtiment de liaison entre les hommes,
le navire de la Poste…
ton sourire était pacifique.
Je repensais à ces bureaux où, dans des lieux inconnus, l’été,
je me rendais, pénétrant la fraîcheur d’un espace,
du silence où l’on garde secrets les messages ;
les stores baissés au plus profond des locaux
cachettent l’enveloppe de l’ombre
ou parfois la rayent de blanc,
à la porte close des armoires métalliques
une plante tend ses palmes,
sur l’aile immobile des reflets
les lettres filent
et jaillissent les appels…
Je pensais aux cheminots qui ramassèrent près des rails
les feuilles jetées par les fentes des wagons verrouillés,
les firent parvenir
à ceux qu’elles hélaient,
froissées comme des parchemins…
au frémissement des écrans,
à l’instant où l’oiseau d’été,
levant la tête,
balaie de ses dernières plumes
le plat de notre porte peinte,
cloue la page debout sur les cailloux blanchis de poussière,
frôle le ciment sous la grange,
glisse à l’abri des refuges enfantins pendus aux barrières,
prend la rue…
la Poste quitte l’humanité des chemins.
Chère maman
Chère maman,
Tu es là. Nous sommes tous venus pour toi, aujourd’hui ou un autre jour pour avoir ton sourire.
Tu nous reçois, un par un, différemment, autour de la table.
Il y a le broc à eau, des récipients, des papiers collés, des affiches, une nature morte, les fleurs qui restaient longtemps après avoir fané.
Ces choses t’ont été offertes.
Nous t’avons aimée d’un bloc, au seul bâillement d’une porte, dès que tu nous es apparue. Enfant, je t’admirais quand tu courais, je ne voyais jamais une femme courir comme toi.
Tu sais rire, tu sais marcher en donnant la main.
Mais tu nous as surpris, déroutés ; tu es vulnérable. La vie t’enchantait, pourtant ta mémoire retenait les détails qui enracinent la révolte. Nous avons dû reconnaître, nommer les seuils où tu t’étais heurtée, tandis qu’il me semblait que les parents apprennent à accepter, contourner pour avancer.
Alors, nous avons appris à t’aimer aussi petit à petit, pas à pas, malgré la souffrance.
Nous, tes enfants, avons fait ce chemin avec toi, tu nous as été donnée d’emblée, puis avec lenteur, le long des failles ouvertes. Des angles, des rythmes de connaissance différents.
Progressivement, ta parole de refus, ta parole écrasée, criée, a sonné humble à nos oreilles. Etait-ce nous qui la percevions au travers des hideurs de l’histoire, appartenant encore à l’enfant qui ouvrait grand les yeux dont tu avais douté, adolescente, qu’ils pussent plaire, ou était-ce toi qui te défaisais d’un raidissement ancien? Nous sentions que tu disais la respiration de ce que tu découvrais. Tu apprenais, tu comprenais. Jamais tu ne nous as semblé piocher au fond d’un savoir accumulé, jamais tu ne t’es placée au-dessus des autres.
Tu éclairais, maman, au plus près, ce que tu croyais.
Le 19 juin 2002.
Lettre à Michel Passelergue
Cher Michel Passelergue,
j’ai lu le recueil que vous m’avez offert lors de mon récital à l’église des Blancs Manteaux fin mars, Lontana in Sonno.
Tels des enveloppes flottant au dos d’une vague miroitante, ces poèmes semblent emporter avec eux des images, des moments, des lieux témoins de la mort d’une personne très proche.
Procession, suite d’épaves douces lavées, blanchies par le travail d’écriture – et aussi sa magie -, colonne aux mouvements aléatoires, brusques parfois, ces douze poèmes recèlent à jamais les instants où la vie basculait, où l’attente était suspendue aux battements, au souffle de l’être aimé, au récit d’un visage clos. Stèles, ou vestiges détachés de la paroi sensible des jours, dragués vers le sable, échoués comme des figures de marbre sur la peau desquelles on pourrait lire la circulation des sèves et l’alternance des lumières. Sur elles, peu à peu s’est déposée la poudre saline, la pluie des phrases, des mots que vous polissez, abrasez jusqu’à leur ossature nacrée.
Vous semez un murmure. Au fur et à mesure de notre lecture il s’enfle, devient chant. Un chant familier quand on vous a lu. Dans Lontana in Sonno, il se dénude, sonne à vif. Ici et là se fracture d’un cri vertical.
Les merveilleux artifices, le crissement de la plume pendant la nuit, le luxe des lettres à Ophélie, ont retiré leur vêture.
… Ces lettres à Ophélie dont on croyait froisser chaque page en la tenant, tant elle devenait objet lancé, lesté de croyance, de désir. Il nous avait semblé caresser quelque chose d’apparenté aux dernières toiles de Gustave Moreau ; après les dorures effacées, arrachées, les lambeaux de soie, les brèches envahies soudain de reflets, venait lentement le grain d’une surface rêche, striée, lissée, une surface d’ardoise, ultime vérité offerte.
Votre poésie me paraît à l’image de votre nom. Elle invite au passage aveugle des doigts sur les papiers de pierre, les pages pliées de céramiques enfoncées dans la braise, les cendres. Elle tend à déplacer la métaphore, parée d’un éclat étrange, rare, aux confins du texte devenu relief, plaque solide, sonore. Elle rappelle le pas de nos vies au large des Eléments, et, avec d’infimes gestes vivants façonnant leur coque de silence, elle nous lègue la carène des mots emportés par les flots de douleur, les nappes de temps… larguée, abandonnée, la beauté du monde.
Poitiers , 27 avril 2012.
François Veilhan.